Apprendre le code à l’école primaire, la vraie fausse idée

Ce billet pourra surprendre l’un de mes dix lecteurs tant je ne suis pas coutumier des prises de position sur des sujets d’actualité. Le sujet de l’apprentissage de langages informatiques par des enfants du primaire me turlupine depuis quelques semaines et je suis obligé de donner mon avis, intrinsèquement personnel (et apolitique).

L’apprentissage du « codage » promise pour les enfants du primaire par l’ex-Ministre de l’éducation a été réaffirmée récemment par le Président lui-même, mais à partir de la cinquième.  A ce propos, soit il désavoue les annonces précédentes, soit il ignore que la 5ème relève du secondaire…

apprentissage du code à l'ecole

La proposition de loi

Les objectifs fondamentaux et prioritaires qui doivent être assignés aux écoles sont l’apprentissage de la langue française, la maîtrise de la lecture, de l’écriture, l’utilisation des mathématiques et l’apprentissage du codage informatique.

Glisser un « chercher l’erreur » dans  une proposition de loi est facétieux, non ?

La simplicité du codage permet un enseignement très précoce.

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By AsbakWiki (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons
La preuve par l’image :

Je ne vais pas faire l’exégèse de la proposition de loi que je vous invite à lire (le texte est très court). Vous constaterez qu’on y emploie indifféremment codage et informatique, comme si les deux mots recouvraient les mêmes réalités. Faute de définir précisément les termes et notamment ce qu’on entend par codage, la proposition de loi laisse la voie ouverte à toutes les interprétations, et donc aux critiques.

Une finalité discutable

L’emploi est un marché concurrentiel, avec une offre et une demande. Quelle est la proportion des offres d’emploi qui exigent une connaissance de langages informatiques ? Sur quelles bases a-t-on anticipé une évolution telle des métiers d’ici dix ans qu’il soit nécessaire d’enseigner le code dès 7-8 ans ? A-t-on analysé le succès des leaders qui créent des entreprises et des emplois pour en conclure que le secret de leur réussite tient à leur maîtrise du codage ?

Des moyens non identifiés

Comme pour les temps activité périscolaires, le nombre d’animateurs disponibles et compétents ne correspond pas aux besoins. Pour l’enseignement du « codage » informatique, comment va-t-on trouver les compétences disponibles ? Une autre interprétation, plus réaliste, serait de demander aux enfants d’enseigner l’informatique aux enseignants. Ce serait un échange de bons procédés qui renouvellerait la relation enfant-enseignant. Par ailleurs, faut-il vraiment pointer la question du budget pour financer l’achat de matériel ?

Redéfinir les priorités

La réalité, c’est que l’enjeu tient plus à l’utilisation qu’à la conception. Mon fils vient de fêter ses 7 ans et sait depuis longtemps chercher un épisode des Tortues Ninja sur YouTube depuis un iPad. A quoi lui servirait à ce stade de savoir importer un code embed dans une page web ? Il arrivera probablement en 6ème en sachant lire, écrire et compter, tout en maîtrisant l’usage des outils mieux que n’importe lequel de ses enseignants (et mieux que son père également). Il sera alors prêt et mûr pour apprendre un peu de code si on prouve que c’est utile et si on définit le type de code approprié…, pas avant.

Et plus que le code, j’aimerais surtout qu’on lui enseigne la curiosité informatique, qu’il développe la capacité à aller chercher des solutions, que ce soit en allant fouiner sur Internet ou en interrogeant des personnes autour de lui.

Pour résumer, c’est un peu comme le code de la route. Il y a un âge pour identifier un feu rouge et un autre pour savoir comment doubler sans danger ou changer une roue.

On apprend l’anglais, le chinois, il faut apprendre à coder ! A. Lemaire
Source

Combien de personnes dans le monde sont capables de tenir une discussion de 10 minutes en C++ ?

Lire sur le sujet

L’informatique à l’école (Jégoun)

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6 commentaires

  1. Super article et très belle ouverture, c’est un plaisirs de naviguer sur ton Blog.
    D’un point de vue personnelle je pense que ce n’est pas ‘le codage’ ( qui est d’ailleurs une notion bien personnelle aux politiques ) qu’il faut apprendre mais la logique du developpement d’applications, logiciels. Un developpeur ne sait pas juste betement coder, il utilise une démarche de recherche de solution à un problème spécifique en utilisant certains outils. C’est cela qu’il faut apprendre au plus grand nombre ce qui leur permettera ensuite de continuer par eux-même d’apprendre des choses plus poussées s’ils le souhaitent. Aussi j’aimerai ajouter qu’il serait déjà plus bénéfique d’apprendre aux enfants, le plus tôt possible à parler l’anglais couramment ce qu’il leur permetterait plus tard entre autre d’apprendre à coder sans devoir attendre un tuto français… et de pouvoir rapidement naviguer dans les documentations s’ils le souhaitent.
    Au niveau de l’âge, c’est là aussi un souci plus global, on a tendance a vouloir faire apprendre en très peu de temps ce qui demande parfois plus de temps. Il peut être bénéfique d’attendre l’entrée au collège pour éviter de faire de la vulgarisation informatique qui n’apporte rien que de la confusion lors de l’apprentissage concret.

    Combien de personnes dans le monde sont capables de tenir une discussion de 10 minutes en C++ ?

    Les vrais parlent en brainfuck :p

  2. Ce que je ne comprends pas, c’est que l’apprentissage de l’informatique (histoire, fonctionnement d’une machine et initiation au code) ait disparu alors qu’il était au programme dès son apparition dans les foyers (on a eu un MO5 en CM2 dans la classe et on a appris à programmer au collège).

    Parce que c’est devenu facile pour tout le monde d’utiliser un ordinateur, les enfants n’auraient plus à savoir comment il fonctionne ?

    Il est évident qu’apprendre à lire et à compter est plus important que de coder et le collège est probablement plus approprié.

    Quant à la question

    Combien de personnes dans le monde sont capables de tenir une discussion de 10 minutes en C++ ?

    Combien de personnes sont actuellement capables d’écrire plus de 10 lignes avec un stylo ? Certains enseignants considèrent même que l’apprentissage de l’écriture n’est plus utile car on utilise plus que des claviers.

    1. Heureusement, on peut estimer qu’il y a encore davantage de personnes capables d’écrire 10 lignes avec un stylo que de personnes parlant le C++ 😉 Plus sérieusement, tous les savoirs sont complémentaires et il serait dommage d’opposer les uns et autres. Le tout est de faire en sorte que leur apprentissage suive un ordre logique.

      1. Tout à fait d’accord.
        Par contre, je ne pense pas qu’il faille le réserver aux futurs informatiens uniquement (on enseigne la poésie à tout le monde sans forcer les élèves à devenir poète mais certains se découvrent une passion).
        Enfin, quand j’ai commencé mes études supérieures en 1993, on me disait déjà que le secteur de l’informatique était bouché.

  3. Allez je ne rentre pas dans la polèmique, l’intro de votre (qui va se transformer en ton) article est suffisamment clair.
    Passons aussi les errances politiques qui raisonnent sur des grilles de lecture obsolètes et laides et vont au grè du vent, en utilisant un champs lexical approximatif.
    Je raisonne via ta conclusion qui a le mérite d’ouvrir des perspectives. Oui évidemment que la curiosité est la meilleure qualité du monde. Mais est-ce que voir le monde (aka chercher) à travers « Yougle » est une fin en soi ? Non, un départ peut-être mais ce n’est pas suffisant à moyen/long terme.
    Maintenant pensons un instant aux nombres de choses que l’on utilise quotidiennement et derrière lesquelles on retrouve du « code » ; je n’embraie même pas sur un embryon de liste !
    Revenons sur le fonds. Le code. L’école. On peut aussi utiliser « langage informatique » pour essayer d’atténuer toute l’aura mystérieuse du « code ». Cela permet aussi d’envisager l’enseignement d’une langue, plutôt qu’un amas de rébus et charades…
    Je suis assez d’accord pour dire que l’école en France a un fort relent de 3° république et sent un peu la naphtaline, cependant il est urgent de regarder devant ; ce sont nos enfants qui nous remercierons demain. Je te promets que cela va vite (j’en ai 3…)

    Cela dépend de ce que l’on veut donner/transmettre/etc. à nos kids : consommer sur une tablette ou être capable de créer ce que d’autres iront chercher ?

    Alors prêt à se retrousser les manches ? 😉

    1. Merci pour ce commentaire, Sylvain. J’ai voulu situer le débat sur l’âge auquel on doit apprendre à coder, et non sur la nécessité d’apprendre ou non.

      Je suis convaincu qu’il faut des bases en maths et en français pour apprendre à coder. Si déjà les enfants apprenaient à bien utiliser la ponctuation par exemple, ils auraient plus de facilité ensuite pour apprendre le code. On peut aussi imaginer que le code, très exigeant en matière de ponctuation, ait un effet bénéfique et permette aux enfants de mieux maîtriser le français.

      Sur le fond, je pense que tout le monde est d’accord et qu’enseigner quelques bases sur différents langages informatiques donnerait serait un atout pour les jeunes. Cela pourrait également faciliter le repérage des talents et les encourager plus tôt à développer… leur potentiel.

Les commentaires sont fermés, pas moi.