Blogging et influence : ce qui a changé entre 2008 et 2018

Professionnalisation des acteurs et éclatement des vecteurs d’influence : histoire et impact d’une révolution sur dix ans.

Entre un blog familial créé en 2007 et Choblab en 2009, je blogue depuis environ 10 ans. J’ai publié plus de 700 articles sur Choblab, même si j’en ai supprimé 80 devenus obsolètes. En tant que responsable communication digitale, j’ai également travaillé avec des blogueurs/blogueuses.

Je pense avoir acquis une bonne connaissance de la blogosphère, même si elle est limitée par ma propre focale. Je fréquente surtout les blogs de ma spécialité (communication et high tech) ou des secteurs d’activité dans lesquels j’évolue : environnement et santé. J’admets un point de vue partiel plutôt que partial, sachant que je connais moins bien des pans essentiels de la blogosphère : food, tourisme, mode…

Le pire pour un influence food, c'est de finir en homme sandwich

Blogueur et observateur de la blogosphère, je vous livre un constat que j’espère lucide à défaut d’être objectif.

Le fossé se creuse entre amateurs et professionnels

A la fin des années 2000, la blogosphère était un cercle encore restreint. Lancer un nouveau blog et se faire connaître rapidement était relativement simple. Les blogueurs/blogueuses avaient compris leur intérêt commun de s’échanger des liens. La réciprocité était de mise. Les foires aux liens se multipliaient et chacun gagnait de la visibilité. Les Digg-like pullulaient (seul Reddit subsiste encore) et permettaient d’obtenir des backlinks faciles. Google n’avait pas encore resserré les boulons et un nouveau blog pouvait émerger dans le top 20 de sa spécialité en quelques mois.

Si quelques précurseurs comme Eric Dupin (Presse-Citron) passaient du côté obscur de la professionnalisation mais on les comptait sur les doigts de la main. A l’époque, la plupart des blogueurs/blogueuses bloguaient par passion, poussés également par la curiosité pour ce média émergent. L’ambition était moins de gagner de l’argent que de mettre un peu de beurre dans les épinards.

Comme beaucoup, j’ai profité de cette période dorée pour expérimenter. Il y a des pratiques que j’ai bannies depuis longtemps : des backlinks à 100 euros pour du poker en ligne par exemple. J’ai gagné un iPad pour promouvoir un site qui n’a vécu que quelques mois. J’ai organisé des concours pour faire gagner divers objets, avec des fortunes diverses en fonction du professionnalisme des partenaires. J’ai reçu des paquets de gadgets et divers ouvrages. Certes, au fil des ans, j’ai fait des choix assez radicaux pour garder ma crédibilité et ma tranquillité. En revanche, je ne regrette pas d’avoir pu vivre cette époque débridée et d’avoir participé à cette aventure individuelle et collective.

Aujourd’hui, la blogosphère me semble plus binaire.

D’un côté, nous avons les experts d’un sujet. Leur principal objectif est de gagner en visibilité. Ils sont davantage intéressés par l’influence que par l’argent.

De l’autre, des blogueurs/blogueuses ont une approche marketing beaucoup plus construite. Le blog est autant un vecteur qu’un produit à part entière. La monétisation n’est plus une option mais un préalable acquis pour toutes les parties : blogueurs/blogueuses, agences et annonceurs.

Des blogueurs/blogueuses de l’ancienne génération ont fait évoluer leur modèle, d’autres ont lâché l’affaire. Quelques poches résiduelles de blogs à l’ancienne subsistent, alimentés par des passionnés sans arrière-pensée financière ou de notoriété.

Nota bene : j’évoque uniquement ici les blogs individuels. Certains médias en ligne gérés par une équipe de contributeurs n’ont de blog que le nom. Même les amis du Blog du Moderateur ont adopté une baseline explicite : Le média des professionnels du digital.

Le blog a perdu son rôle central

En 2007, le blogging peut se flatter de détenir le quasi-monopole de l’influence. YouTube n’existe en français qu’à partir de juin 2007 et Facebook suit en 2008 ! En 2009, seuls 5 % des internautes ont créé un compte Twitter (source : Statista), et nombre d’entre eux sont inactifs.

A quelques exceptions près, les blogueurs/blogueuses perçoivent les médias sociaux comme de simples relais d’audience, au même niveau que les Digg-Like. Le blog s’impose comme la seule plateforme d’expression réellement visible. Faute d’alternative possible, les blogs prolifèrent, se font et se défont pour se refondre encore.

Les années passant, la création de contenu se déporte imperceptiblement vers les médias sociaux. Les échanges autour d’un article de blog s’oriente sur Twitter ou Google+, si bien que des blogueurs/blogueuses en viennent à fermer les commentaires.

Ces dernières années, le blog n’est plus le vaisseau amiral de la visibilité. Les influenceurs se sont progressivement tournés vers Facebook et Twitter pour fédérer leur communauté. Puis YouTube a pris l’essor qu’on lui connaît et les YouTubers ont supplanté les blogueurs/blogueuses dans le coeur et dans le portefeuille des annonceurs. Instagram continue sa progression à une vitesse phénoménale, rapidement adopté par les influenceurs comme par les marques.

Même les experts délaissent les blogs traditionnels pour LinkedIn ou Medium. Les pratiques en termes de création de contenu sont proches, mais ces plateformes jouent sur l’effet d’échelle pour accroître la visibilité des auteurs.

La mort des blogs ?

Je ne vais pas vous donner un Nième avis plus ou moins autorisé sur le sujet. J’observe simplement que le blog n’est plus l’unique fenêtre de visibilité qu’il était 10 ans plus tôt. On constate donc un double phénomène :

  • l’approche des créateurs de contenus s’est concentrée sur la monétisation et a évolué vers davantage de professionnalisation.
  • la palette des vecteurs d’influence s’est élargie vers d’autres plateformes, conçues pour la socialisation… et la monétisation.

Les conséquences pour les annonceurs

Les mutations évoquées ont fait plus que changer la donne. Il y a 10 ans encore, vous pouviez encore vous contenter de lister des blogueurs/blogueuses en utilisant des classements de blogs, puis de leur proposer des dispositifs peu variés : articles sponsorisés, achat de liens, concours, événements dédiés… Un budget restreint et un peu de temps suffisaient pour atteindre une jolie audience. N’importe quelle entreprise qui voulait s’en donner la peine construisait une stratégie d’influence plutôt efficace.

Aujourd’hui, les marques ont pris conscience de la valeur du marketing d’influence, tout comme les influenceurs connaissent leur valeur marchande. La difficulté tient à l’éclatement des vecteurs d’influence, qui impose une maîtrise très approfondie de chacun des médias sociaux. Peu de marques sont capables de gérer un dispositif d’influence, durable et de grande ampleur, sans sous-traiter. Les investissements financiers liés à la professionnalisation des influenceurs et des intermédiaires est sans commune mesure avec les budgets d’il y a 10 ans.

A nous de nous adapter.

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