Quelle stratégie RGPD friendly adopter pour choisir son dispositif analytics ?

Comme responsable de communication digitale, je suis confronté à ce dilemme : sous la pression de mon DPO, dois-je abandonner Google Analytics ? Pour nourrir la réflexion, j’ai posé quelques questions à Adrien Podolak, lead analytics chez Arcane, société de conseil en media & data fondée par 2 anciens de Google.

Le DPO et Google Analytics - meme

Les mises en demeure par la CNIL de gestionnaires de sites web utilisant Google Analytics (GA) ont animé l’année 2022. Ces décisions ne concernent pas uniquement la France. D’autres autorités européennes de protection des données ont  statué dans le même sens et remis en cause le transfert de données personnelles depuis l’Union Européenne vers les Etats-Unis, dans le cas de la solution Analytics de Google.

Q. Quels virages pris par le marché rendraient GA conforme ?

R. Rappelons tout d’abord que si l’outil Google Analytics est particulièrement cité dans les récentes résolutions de la CNIL, toutes les entreprises américaines sujettes à des transferts de données similaires sont à risque. Depuis l’invalidation du Privacy Shield en juillet 2020, il n’existe plus de texte encadrant le transfert de données personnelles de l’Union européenne vers les Etats-Unis.

Une première réponse serait donc un nouvel accord en remplacement du Privacy Shield. Cette solution est en cours d’avancement puisque Joe Biden a signé un décret en ce sens en octobre dernier. Le décret ne suffit pas mais constitue une première étape. L’Europe via ses différentes instances doit maintenant s’emparer du texte. On peut s’attendre à un temps de ratification important et à des oppositions de la part d’associations sensibles à la cause de la protection des données des utilisateurs européens, NOYB en premier lieu.

Une seconde solution réside dans les adaptations proposées par Google sur son outil de mesure d’audience. Google mise sur la version 4 de GA (Google Analytics 4, vouée progressivement à remplacer la version Universal Analytics) à ce sujet. Parmi les annonces majeures de l’éditeur, la fin du stockage des adresses IP et de nouveaux paramètres pour régler régionalement des fonctionnalités tels que les signaux Google, qui s’appuient sur notre activité multi-sites en tant qu’utilisateurs connectés dans l’univers Chrome.

Une dernière solution serait l’invalidation pure et simple de chacune des mises en demeure par des recours, mais ce virage est bien plus incertain.

Q. Quelles sont les solutions alternatives à GA ? Quelles sont leurs spécificités ?

R. On peut citer à titre d’exemple Piano Analytics (ex AT Internet), Adobe Analytics, Eulerian, Matomo, Piwik Pro, etc.  Les possibilités sont donc nombreuses et toute la question pour l’utilisateur souhaitant changer de solution sera de comprendre les subtilités de chacune. Chaque solution n’expose pas au même risque juridique par exemple. Toutes n’ont pas les mêmes implications en termes d’implémentation technique. Si vous avez de forts enjeux d’adoption de l’outil en interne, peut-être que l’UX sera un facteur à prendre en compte. GA enfin disposait d’une version gratuite plébiscitée : quel prix seriez-vous prêt à investir pour une solution concurrente ?

Autant de questions qui méritent une analyse méthodique et détaillée tenant bien compte des spécificités de votre organisation. Nos matrices de critères donnent des premiers exemples d’éléments à vérifier lors de votre analyse :

  • Origine de la solution et lieu de stockage des données
  • Bénéfice d’une “exemption CNIL”
  • Coût de la solution
  • Richesse de la collecte
  • Capacités de reporting et de suivi de performance des campagnes publicitaires
  • Possibilités d’activation marketing
  • Export des données brutes à des fins d’analyses
  • Simplicité d’implémentation et d’usage
  • Qualité du support et de la communauté d’utilisateurs

Q. Comment choisir la bonne solution ?

R. Afin de choisir la bonne solution, nos conseils sont de réunir l’ensemble des parties prenantes (directions juridiques, techniques, marketing, data, etc.) en interne pour fixer la ligne de conduite de votre organisation. En fonction de votre degré d’exposition au risque et de la ligne définie, vous pourrez décider de conserver GA via sa version Universal Analytics (pour quelques mois seulement), de passer sur Google Analytics 4 ou bien de changer de solution.

Il est important en parallèle de comprendre votre degré de dépendance à GA en interrogeant les différentes équipes métiers. GA peut par exemple être la source de vos conversions Google Ads ou alimenter des audiences importantes exploitées dans votre stratégie d’acquisition de trafic. La donnée GA peut aussi alimenter des reportings de manière directe (depuis l’interface ou par un connecteur simple avec un outil de BI) ou indirecte (export de données vers une base Cloud, API, etc.).

En tenant compte de ces deux éléments, vous pouvez maintenant vous mettre en recherche de votre nouveau dispositif. Une analyse approfondie sera très probablement nécessaire.

Q. Mon agence affirme qu’il est impossible de piloter correctement une campagne SEA sans GA. Est-ce vrai ?

R. Impossible non car on peut toujours piloter ses campagnes depuis les plateformes publicitaires directement et exclusivement. En revanche, il est tout à fait vrai que Google Analytics apporte beaucoup en introduisant une vision dite “site-centric” vs. “ad-centric”.

  • La vision “ad-centric” s’intéresse uniquement aux performances d’un levier, d’une plateforme. Le défaut de cette vision est que chaque plateforme montre ses performances sous son meilleur angle et que les règles d’attribution des conversions entre plateformes ne sont pas harmonisées.
  • La vision “site-centric” prend un peu plus de recul en partant plutôt des performances totales et en répartissant ces performances entre les différents leviers d’acquisition. L’intérêt est une vision plus proche des indicateurs business et une analyse des performances orientée multi-leviers.

Ces deux visions sont intéressantes et ne poursuivent pas le même objectif. La vision “site-centric” proposée par Google Analytics présente quelques limites également en fonction des leviers activés. Les alternatives à Google Analytics peuvent aussi jouer ce rôle de réceptacle de la lecture “site-centric” de la performance. L’avantage indéniable d’un GA est son excellente intégration à tout l’écosystème d’acquisition de Google (avec la Search Console par exemple en SEO ou Google Ads en SEA). On peut ainsi lire des données supplémentaires dans GA grâce à ces intégrations et exporter très simplement les données GA pour des activations directes depuis les interfaces Google connectées.

PS : merci à Benjamin et Camille qui ont facilité la réalisation de cet entretien.

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