Réaliser un site Internet semble devenu très, trop facile. La simplicité de l’outil déteint sur celle de la réflexion, et encourage la paresse intellectuelle. Mais quand les uns envoient un message spam vendant un « Pack Vitrine à 799 € tout compris », il ne faut pas s’étonner que les autres tombent dans le panneau.
Alors comment convaincre votre interlocuteur que créer un site Internet n’est pas l’affaire de 5 minutes ? Comment lui faire toucher du doigt que l’apparente simplicité de l’outil cache en réalité une somme de travail considérable, dont une grande partie va lui revenir ?
Vous avez le choix entre le mépris et la pédagogie. Vous pouvez estimer le budget de votre interlocuteur, rajouter un zéro et lui annoncer la somme à mettre sur la table. Vous pouvez aussi lui poser quelques questions pour qu’il comprenne les réalités d’un projet Internet… et apprécie par la même occasion le professionnalisme de votre approche.
1. Le projet de site web est-il pertinent ?
Il s’agit de reprendre sous forme interrogative les principaux éléments d’un brief créatif.
Vous ?
- Qui représentez-vous ? Quelles sont vos missions ?
- Quel est le positionnement de l’entité que vous représentez ?
- Quelles valeurs souhaitez-vous véhiculer ?
- Qui pilote le projet ? Avec quelles ressources (humaines et financières) ?
Votre cible
- Quelle est la cible principale ? Quelles sont ses caractéristiques et ses attentes ? Savez-vous quelle perception elle a de vous ?
- Quelle est la cible secondaire ? même questions.
- Faut-il modifier ou confirmer la perception que ces cibles ont de vous ?
Votre projet
- Quelle est votre problématique ? Quel problème le site doit-il résoudre ?
- Quelle sera la valeur ajoutée du site, son avantage concurrentiel ?
- Quels sont les objectifs (informer, échanger, vendre…) ?
- Quel est LE message à faire passer ? Quelles preuves viennent en appui de ce message ?
- Quel est le ton à employer (traditionnel ou innovant, fun ou sérieux…) ?
- Quelle atmosphère doit dégager le site (calme ou énergie, émotion ou raison…) ?
- Quels sont les principaux contenus et services du site ?
- Quels contenus et quels services sont accessibles à une partie des internautes ? selon quelles modalités ?
- Avez-vous imaginé le plan de communication associé (offline et online) ?
- Qu’est-ce qui fait que ce site pourra émerger parmi les X résultats de recherche Google sur le mot clé [sujet du site] ?
Comment ?
- Quelles sont les contraintes techniques à prendre en compte ?
- Faut-il un hébergement pour le site ? Est-il budgété ?
- Un nom de domaine doit-il être réservé ?
- Y a-t-il des contraintes graphiques (charte à créer ou à décliner, existence d’un logo et d’une baseline) ?
- Le contenu existe-t-il de manière structurée ? Est-il directement transposable sur le web ?
- Qui intègre les contenus et qui les met à jour ? Y a-t-il des illustrations (images, schémas, vidéos) disponibles ou faut-il prévoir d’en acheter ?
- Les contraintes juridiques sont-elles anticipées (droit de propriété intellectuelle, CNIL…) ?
- Les ressources humaines et financières sont-elles évaluées ?
- Qui sont les acteurs du projet ? préciser éventuellement les absences qui peuvent impacter le projet :
- Le sponsor (celui qui valide in fine la stratégie et le produit final),
- Le chef de projet
- Les membres du groupe projet
Vos délais
- Quel est le calendrier envisagé ? Quelle est la marge de manœuvre par rapport à ce calendrier ?
- Quelle est la durée de vie envisagée pour le site ?
Préciser ensuite qu’il s’agit simplement d’un entretien exploratoire, et que le besoin devra probablement être formalisé ensuite dans un cahier des charges. Normalement, votre interlocuteur a pris la mesure d’un projet web !
2. Le projet est-il faisable ?
Votre interlocuteur avait effectivement une idée intéressante avec une vision claire de son projet ? Parfait ! Il reste maintenant à sonder si le projet est viable sur le plan des ressources humaines et financières. S’il pense que ça lui coûtera 10 € et 10 minutes, c’est le moment de le détromper en faisant la somme des tâches à mener à bien.
Avant
- Mettre en place les instances de gouvernance (comité de pilotage, comité projet, groupes de travail)
- Réaliser une étude d’opportunité sur la base du brief
- Rédiger un cahier des charges
- Gérer la consultation
- Sélectionner le prestataire
- Contractualiser
Pendant
- Suivre et valider (et/ou faire valider) les aspects fonctionnels, les contenus, les propositions graphiques et ergonomiques, les développements techniques…
- Gérer les aspects administratifs et comptables
Après
- Référencer le site
- Assurer une communication pluri-médias
- Mettre à jour régulièrement le site
Les phases d’engagement sont pour la plupart reprises ci-dessous
Ces réflexions sont fondées sur la vie en entreprise, dans un contexte où un opérationnel sollicite le responsable web en interne. J’imagine que la plupart des agences reconnaîtront des situations similaires où elles sont interrogées à plus ou moins bon escient…
Bonsoir,
j’aime bien ce papier, plutôt bien fait d’ailleurs. Je suis consultante en communication globale, et le problème soulevé pour Internet vaut aussi pour le papier ! Il y a eu le même phénomène quand la PAO a débarqué sur les machines dans les années 90, tout le monde s’improvisait graphiste et proposait des plaquettes… à hurler… Ca fait 20 ans que je suis dans le métier, j’en ai vu, beaucoup, et le phénomène des sites pas chers, pas vus pas pris pas référencés, c’est un copié collé du système des plaquettes papier copié collé sur le Web…
1. oui, les packs existent encore, et se multiplient même, à des tarifs bien inférieurs à ceux énoncés dans l’article… La crise est là.
2. oui, un client s’éduque, on a rien sans rien, pédagogie, toujours de la pédagogie avec le client : la culture com’ est, contrairement à une idée reçue, assez faible en entreprise en général (sauf les grandes qui ont pignon sur rue et avec qui vous faites un portail pour 200 000 euros 😉 et les particuliers croient savoir communiquer parce qu’ils disposent d’un PC avec un logiciel pour faire de la retouche photo ou une vidéo chez eux le dimanche…
3. euh… référencement avez-vous dit ? et rédactionnel ? ça vous dit quelque chose ? Un site est bien référencé s’il y a du contenu, des idées développées, un sens, pas de fautes d’orthographe, bref ce qu’on appelle nous, les communicants de base (excusez du peu…) : du rédactionnel ! Et seuls les pros du rédactionnel savent bien faire ça.
C’est vrai, le phénomène des usurpateurs n’est pas l’apanage du web mais d’après mon expérience, les entreprises sont rarement tentées de réaliser et d’imprimer un rapport annuel pour 800 €…
Pour le Point N°3, si le rédactionnel est important pour le référencement, c’est loin d’être le seul facteur. Je vous invite à lire @axenet (http://www.axe-net.fr/), un très bon spécialiste.
Pas mal pas mal, le « yakafokon » !
Pour ma part, j’ai plutôt constaté que les clients concevaient assez bien la charge de travail pour la partie « Création de site web »… en revanche, pour la partie « Référencement » c’est carrément une autre affaire !
Espérons que les offres du genre « 1ère place sur Google pour 10 euros avec inscriptions sur 10000 annuaires tous les 2 jours (café servi le matin en option) » aideront à éduquer tout le monde…
Je suis toujours étonné que vous autres pro d’Internet soyez surpris par de telles réactions.
Tous les commerces ont le même problème : valoriser ce qui est plus cher.
Pourquoi acheter une poubelle à 150€ alors qu’on en trouve à 15€ ? Parce qu’après 5000 ouvertures, la première sera toujours dans votre cuisine et la seconde dans la benne à ordure.
Et oui, un client cela s’éduque, surtout sur un produit technique comme le web.
Vous devriez donc remercier les concepteurs de sites à 799€ : ils forment vos futurs clients…pour pas cher !
Gros gros problèmes qui revient souvent:
« mais vous utilisez des logiciels opensource …. »
Il y a un gap monstrueux entre le client qui pense « livrable » et celui qui pense « analyse & service ».
l’est blog gratuit et wordpress fait mal et tout l’argumentaire est souvent tourné, à mon avis, autour de ça. Soit juste avant la phase 2.
Et 2 fois sur trois, après avoir commencé à poser ces questions, le prospect part voir une agence qui lui dit « On s’occupe de tout pour 800 euros, donnez-nous juste votre plaquette commerciale ».
2 ans plus tard, on le récupère parce qu’en plus, il voulait être visible sur Google, et on lui dit… qu’il faut tout refaire 🙂
J’ai bien fait de suivre le blog. Les packs ça existent encore?
Personnellement, je suis contre les packs de site web et à lire ton article c’est bien une approche client personnalisé pour un outil (le site web du client) performant qu’il faut faire.
Et ça pour le faire rentrer dans un soit disant pack…
Rien à redire! Tout y est 😉
Merci pour le commentaire, j’ai failli faire une copie d’écran de quelques packs mais je me suis dit que ce serait leur faire trop d’honneur…